145. At work: Une heure de ma vie de prof
This is a work of fiction. Names, characters, places, events and incidents are either the products of the author's imagination or used in a fictitious manner. Any resemblance to actual persons, living or dead, or actual events is purely coincidental.
Je ne travaille normalement pas à cet horaire. Mais ce matin, exceptionnellement, je dois surveiller une épreuve de Bac Blanc. Sans me poser de questions je pars dans la pénombre et la grisaille d'un matin de Janvier. En chemin, le nez dans le col de mon manteau, la tête baissée, je me demande tout de même si c'est pas un peu fort de café ne pas me demander si ce changement me convient ou pas. Mais je n'ose pas me plaindre, je suis prof et ici, les profs ont beaucoup de temps libre, de vacances ...
Hier soir j'ai reçu deux messages: d'un collègue pour me dire qu'il avait déposé un sac avec des dictionnaires au-dessus de mon casier. Que si je pouvais penser à le prendre ... Je me demande bien comment je vais faire pour attraper un sac plein de dictionnaires posé en hauteur au-dessus de mon casier. Je suis un peu inquiète à l'idée de devoir me saisir de ce sac sans faire tomber tous ces dictionnaires sur ma tête. Ou pire, sur la tête d'un collègue innocent. Le deuxième message est de l'assistante de langue anglaise (from the USA yeah) qui me demande en quelle salle elle doit se trouver pour surveiller l'examen. Je lui dis qu'elle doit se tromper car les assistantes ne font pas de surveillance d'examens. Vérifie, ce doit être tes cours qui sont annulés, lui dis-je. Non, me répond-elle, j'avais 15 heures à faire mais on s'est arrangé pour que je n'en fasse que deux. ... Ah ... Ok ... Je lui donne le numéro de la salle et lui demande si elle ne voudrait pas prendre les dictionnaires ...
Ce matin-là en salle des profs je prends deux des dictionnaires pour alléger un peu le sac. J'attends notre assistante mais elle doit être un peu en retard donc je prends mes deux dictionnaires et me dirige vers la salle d'examen. Je sors de la salle des profs, passe devant la machine à café enrubannée à cause du danger qu'elle présente, monte les deux marches, prend le couloir et arrive au passage extérieur. Je traverse puis prends l'escalier et grimpe les trois étages, mon sac et mes deux dictionnaires sous le bras. C'est bien les escaliers, tout le monde le dit. Avec des dictionnaires c'est encore mieux. En marchant je regarde avec nostalgie les flèches de couleur sur le sol et me souviens du bon vieux temps où arpenter les couloirs était comme un jeu de piste pour moi.
J'arrive au troisième étage. Les élèves sont agglutinés devant la salle. Comme en 2019, ce qui n'est pas en soi déplaisant. Je joue des coudes pour accéder à la porte. Pourquoi les élèves ne comprennent pas qu'il faut dégager la porte pour que l'enseignant puisse l'ouvrir? Pourquoi doit-on toujours s'excuser pour arriver à la serrure?
J'ouvre la salle. J'appuie sur les interrupteurs près de la porte. La salle est immense et tout en longueur. Seuls les néons du devant s'allument. Les élèves s'engouffrent derriere moi dans cette salle plongée dans la pénombre. Il faut de la lumière. Je me dirige vers le fond de la salle et commence à paniquer et à chercher partout des interrupteurs. Pas d'interrupteurs!
'Trouvez les interrupteurs, s'il vous plaît! Et allumez-moi ces lumières!!!!'' Je crie. Il me faut de la lumière. Les élèves, eux, veulent savoir où s'assoir car il n'y a pas d'étiquettes sur les tables. Et ils ne veulent pas de lumière, le lycéen aime la pénombre, surtout à huit heures moins le quart en plein hiver dans le Nord.
'Prenez place en quinconce. Mettez les sacs sous la table. Les crayons sur la table. Et trouvez les interrupteurs! Allumez les lumières!'
J'ai vaguement peur qu'un adolescent plus éveillé que les autres entament cette chanson du pop français connue de tous et qui fait toujours rire. Mais non.
'Trouver l'interrupteur et allumez ces lumières!'
Cette obscurité me crispe, ce fouillis m'énerve.
Soudain je vois quelqu'un! Quelqu'un qui connaît bien mieux que moi ce lycée. Je suis sauvée.
'Bonjour, contente de vous voir. Je n'arrive pas à trouver d'interrupteur et il nous faudrait de la lumière. '
Il me faudrait aussi un petit coup de main mais je ne peux pas demander. Je suis seule dans cette immense salle-corridor, on n'y voit rien, c'est la génération zéro-exam et ils n'ont pas les réflexes. Il y a du bruit, tout le monde parle, les chaises et les tables raclent sur le carrelage, le débat sur la disposition en quinconce bat son plein. Et moi, au milieu. X est la personne qui doit pourvoir m'aider. Après tout il en va de sa position. Mais X n'a vraiment pas l'air de vouloir m'aider ni dans la recherche de la lumière, ni dans la disposition en quinconce. X me foudroie du regard et me colle un gros paquet de feuilles dans les bras.
'Ce n'est pas à moi de venir vous apporter les sujets.' Lance X d'un ton sec et péremptoire qui me déplaît énormément. 'Lisez vos mails.' Puis X tourne les talons et me laisse là, en plan. Vlan. Prends ça petite vermine de prof. Le temps que je réagisse et X est déjà reparti sans doute en courant car je sors de la salle et X, pratiquant sa démarche de chef en colère, est tout au bout du couloir.
Une seconde d'hésitation. Et puis je remarque que tous les néons sont allumés. J'ai ce paquet de feuilles dans les mains. Je le soupèse, prend un peu d'élan et claque le paquet sur le bureau de toutes mes forces. Cela fait un bruit sec qui résonne dans toute la salle. Profitant de cet instant de silence, je crie.
'SILENCE! ET EN QUINCONCE. Distribution des sujets dans 20 secondes.'
J'arpente de nouveau la salle de haut en bas, cette fois-ci non pas à la recherche d'interrupteurs mais pour essayer d'avoir une organisation des candidats en quinconce. Rien à faire, ils connaissent le couple, le trio mais après ils sont bloqués. J'en déplace alors quelques uns par ci par là. On n'est pas à l'abri d'une inspection sanitaire. A tout moment un inspecteur santé et propreté peut arriver avec le même ruban que celui de la machine à café.
Ah mais voilà que j'aperçois un autre membre du personnel. Il va m'aider. Là aussi il en va de sa position dans cet établissement.
Je me faufile entre les rangs pour aller le saluer. On a convoqué deux fois moins d'élèves mais on n'a pas enlevé de tables, ni changer la disposition. Le temps que j'arrive au bout de la salle couloir, mon sauveur numéro 2 a disparu. Je m'arrête, marmonne quelque chose aux élèves autour de moi et considère la situation calmement.
Option numéro 1: On respire. On relâche toute la partie gauche. On expire. Et on y retourne.
Option numéro 2: Je vide mon sac et me débarrasse de ma frustration sur les élèves, les faire changer de place maintenant qu'ils sont installés par exemple. En hurlant qu'une disposition en quinconce c'est pas sorcier.
Option numéro 3: je pleure, pars en courant et me mets en depression pour 8 mois.
Option numéro 4: j’abandonne, tout le monde s'en fout.
J'opte pour la dernière option. C'est plus sage et plus facile. Et oui, les élèves attendent. Ils veulent faire cet examen blanc pour se preparer pour l'examen qui vient d’être annulé. C'est bien normal.
Ils sont tous assis et le matériel est sur les tables. On peut y aller. Le quinconce n'est pas net, mais dans certains coins de la salle de classe on y est presque.
'Madame!' Une petite brune devant m'interpelle à voix basse. 'Madame! Est-ce qu'on est en quinconce?'
'Oubliez le quinconce. Oubliez. Ça n'a aucune importance. Vraiment.'
Elle a l'air soulagé. Donc tout va bien.
I think I can guess who X is... Either Mrs Tick... Or Mrs Coldglen..
ReplyDeleteYes of course, you should know what a good civil servant does! 😂... Read your mails first thing in the morning before your eyes have even opened and your nostrils have had the first whiff of coffee.☕
And honestly, how would you expect them to tell you where the switches are? They've never even set foot in the bloody classrooms, let alone taught there!! 🙄
I can't wait for the sequel...! 👍