381. Mrs F à la banque 1/2
Une vente de maison prend du temps. Tout le monde le sait, y compris ma petite personne. Quand le notaire m'appelle et me demande de voir avec la banque pour deux ou trois points à préciser, je suis toute calme et toute détendue. Ceci est une petite formalité réglable en deux temps. Premier temps: la banque me donne les détails et les explications nécessaires. Deuxième temps: je prends une decision.
C'est donc entre deux gorgées de café et deux bouchées de pâtisseries faites-maison que j'appelle.
D'emblée pourtant je perds patience et très vite la moutarde me monte au nez. On me demande mon nom et mon numéro de téléphone, puis mon adresse.
'Le nom de mon chien, dois-je vous le donner aussi?'
Je regrette aussitôt mes propos mais voilà c'est trop tard. La gentille personne qui me posait automatiquement toutes ces questions ne sait pas comment réagir. Je l'imagine chercher sur son listing les mots 'nom du chien' pour trouver la réponse adéquate.
'Le nom de mon chien? Voulez-vous le connaître? Parce que là vous me faites répéter, telle une élève avec un bonnet d'âne, mon nom, mon numéro de téléphone, mon adresse et tutti quanti alors que je sais que tout cela est déjà affiché sur votre écran.'
'C'est pour des raisons de sécurité, Madame, je suis désolée.'
'Oui, moi aussi je suis désolée.'
Encore un moment d'hésitation. Puis elle se ressaisit, apparemment maintenant certaine de mon identité. Peut-être à côté de mon nom y-a-t-il écrit quelques mots d'avertissement.
J'explique la raison de mon appel aussi brièvement et clairement que possible. Étant prof cela fait partie des compétences que je maîtrise. Et j'attends confirmation que mon petit exposé ait atteint l'objectif établi en amont.
Encore un moment d'hésitation. Ce n'est plus de la moutarde qui me monte au nez mais je me transforme en cocotte minute avec soupape de sécurité défaillante.
'Je vais vous passer votre conseiller. Vous pouvez me donner son nom s'il vous plaît?'
Je mets ma serviette de table sur le micro et je hurle. Le chien se met à aboyer et toute la famille rapplique au salon en panique. Je secoue la main - et donc l'enlève du micro - et fais signe à tout le monde que tout va bien.
'Non.'
Je compte jusqu'à 3. Pas plus.
'Non. Je ne peux pas vous donner le nom de mon ''conseiller'' car ils changent sans arrêt. Pour des raisons de ''sécurité''. Et ce nom, vous l'avez sur votre écran.'
Je fais les petits guillemets en l'air avec mes doigts, ça me calme. Un peu.
Un moment d'hésitation.
'Désolée mais votre conseiller n'est pas disponible. Vous devez prendre rendez-vous.'
'Allons-y! Allons-y donc! Prenons ensemble un rendez-vous avec mon ''conseiller'' qui me donnera alors les informations qui sont dans vos ordinateurs et auxquelles vous avez accès mais qu'il ne faudrait surtout pas me donner sur le champ. Rappelons-nous que ce ne sont pas des informations confidentielles! Et que c'est très important et urgent et à la demande du notaire (je donne le nom, c'est une tout petite ville et tout le monde connaît tout le monde).'
Je compte jusu'à 2 et je reprends.
'Et vous ne m'avez même pas demandé le nom de mon chien!'
'Oui, oui, je note, c'est urgent et important. On fait le nécessaire.'
La panique dans sa voix, comme si elle venait juste de se rendre compte qu'elle a affaire à une folle. Je clique sur fin de l'appel et pousse un hurlement. Le chien s'y met aussi (vexé sans doute) et seulement la moitié de la famille rapplique.
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