374. La commande (2)

 Je passe inévitablement devant la bibliothèque du lycée plusieurs fois par semaine. A chaque fois je me retiens d'aller voir si mon colis est arrivé. Je dois faire preuve de maturité, rester calme et patiente. L'année dernière, lassés de me voir sans cesse venir aux nouvelles on m'avait expliqué que ce n'est pas aussi simple qu'une commande personnelle, que le lycée doit commander des DVDs avec droits de diffusion, que c'est plus cher, que cela prend du temps. Et puis un jour au hasard j'avais quand même demandé. Et surprise! Ils etaient bien arrivés, depuis un petit moment, mais personne n'avait pensé à me le dire. Le petit colis attendait patiemment sur un coin d'étagère que je me renseigne.

Mais cette fois-ci non. Tant pis. Le petit colis prendra la poussière. 

Je passe donc et je repasse. Je m'arrête et je repars. Je résiste tant et si bien qu'un beau matin, alors que je suis à mon bureau et que mes élèves de seconde papotent bruyamment en m'attendant, je relève la tête pour les faire taire et me retrouve - littéralement - nez à nez avec la personne du CDI qui, les mains appuyées sur le bureau, se penche vers moi avec un air grave et soucieux.

Je laisse les élèves reprendre leurs bavardages. Moins j'en entends de cette conversation, mieux je me porterai le reste de cette journée. En effet.

'Je suis vraiment désolé. Vraiment désolé.'

Ne te fatigue pas. Ça va, j'ai compris. Mais ce que je ne comprends pas c'est pourquoi venir jusqu'à ma salle. Ces gens-là ne se déplacent que très rarement dans le lycée et surtout pas jusqu'à cette salle lugubre et délabrée pour me dire que ma commande n'est pas encore arrivée. En effet.

Ma commande n'a jamais été passée. Je me lève et hausse le ton pour faire cesser les bavardages. Il faut bien que je passe mon énervement sur quelque chose.

'Vraiment désolé.' Me répète le responsable à plusieurs reprises.

Je laisse les bavardages reprendre et comme on ne s'entend plus, je dis au revoir à mon interlocuteur et me lève, fais le tour du bureau et puis ferme la porte derrière lui. Je fais taire mes élèves pour de bon et commence le cours et finis par oublier.

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